Une saison de coton de James Agee
En 1936, le magazine Fortune demandat à James Agee de réaliser un reportage sur les métayers blancs qui cultivaient le coton en Alabama. L’article devait paraitre dans la rubrique Vie Quotidienne.
James Agee fit le voyage accompagne du photographe Walker Evans et ce à sa demande car il ne voulait pas être seul pour affronter la réalité de ce qu’il découvrirait là-bas.
L’article de James Agee ne fut pas accepté par le journal et jamais édité. La pauvreté qui se dégageait des lignes devait bien embarrassé les politiciens.
C’est sa fille qui découvrit le tapuscrit bien des années plus tard dans la maison de son père. Et en 2013, il fut édité pour la première fois.
« Nul besoin d’une analyse fine pour constater que notre propre système de crédit, géré non pas par de petits propriétaires mais par les banques, les agences de notation et les sociétés de recouvrement, a établi une variante impersonnelle, financio-capitaliste du piège de l’endettement décrit il y a plus de soixante-quinze-ans par Agee. »
Agee va rencontrer trois familles de métayers qui sont liées entre elles par des liens familiaux : les Burroughs, les Fields et les Tingle. La ville la plus proche est Moundville.
Ces trois familles dépendent des propriétaires de la terre pour laquelle ils sont payés à cultiver du coton. Un contrat les lie mais est différent pour chacun. Certains propriétaires fournissent les graines pour la culture comme chez les Burroughs. Les Fields et les Tingle utilisent leurs propres graines. Dans chaque cas, ils sont l’obligé du propriétaire qui les paient selon la récolte et qui leur avance de l’argent. Ils sont endettés et il est impossible d’envisager qu’ils puissent vivre d’une manière plus décente.
Ils ont tous une famille nombreuse, dont certains enfants sont décédés. Si l’enfant atteint l’âge de deux ans, il continuera à pousser et ils sont considérés pour les propriétaires autant que pour les parents comme une main d’oeuvre.
Agee est resté deux mois auprès de ces familles et découvre tout de leur univers, l’habitat, la nourriture, le travail, l’éducation (certains membres savent lire et écrire, d’autres pas), les loisirs durant les mois d’hiver, etc.
Le livre comporte deux annexes qui traitent des métayers noirs qui sont encore plus pauvres que les blancs ainsi que des propriétaires.
« Cependant l’organisme humain a la vie tenace et il s’adapte de façon miraculeuse. Au cours de ce processus d’adaptation, il est parfois contraint de sacrifier plusieurs fonctions secondaires, comme la capacité de réfléchir, de ressentir des émotions, ou de percevoir quelque joie ou vertu dans le fait de vivre : cependant, il vit »
Livre dérangeant, bouleversant, émouvant. Le texte est sublimé par des photos qui ne peuvent que vous étreindre le coeur.
Il y a de cela soixante-quinze-ans et pourtant les regards photographiés sont identiques à ceux que nous croisons dans les rues et que nous ne voulons plus voir.