Les parapluies d'Erik Satie de Stéphanie Kalfon
Dans cette série de premiers romans, c’était celui que j’attendais avec le plus d’impatience.
Satie me laisse un gout d’enfance lorsque les gymnopédies voletait dans le bureau paternel.
Sa musique c’est une note suivie d’un envol du silence et la note qui reprend sa place. Pour nous du XXIième siècle sa musique nous est acquise mais pour lui, à l’aube du XXième siècle ce fut une révolution très mal comprise.
« Quand les gens vous oublient sans raison , c’est indescriptible. Cela devrait être interdit par la démocratie. ils vous laissent une fuite dans le coeur, comme un sifflement. On appelle ça les acouphènes. Pour les musiciens pas de chance. »
Erik Satie est heureux jusqu’au jour où sa mère, écossaise, meurt après le décès de son dernier enfant, de tristesse. Est ce elle qui lui a transmis cette excentricité ? Ou était-il né pour être différent des autres ?
Il aime la musique. A 21 ans, il entre au conservatoire mais la musique telle qu’elle est conçue avec ses règles ne lui convient pas. Il veut créer un autre style car la musique ne doit pas être figée. Rebelle, on le renvoie. Il y sera réintégré grâce à son père et cette fois c’est lui qui quitte ce lieu imprégné de notes poussiéreuses.
Son père s’étant remarié avec une femme qui ne l’aime pas. Adieu famille, je suis un créateur qui montrera au monde le génie que je suis.
Mais avant que le génie ne soit acclamé, il faut vivre et pour vivre il faut manger. Grâce à un ami Contamine, il va découvrir le Chat Noir, là où enfin son être ne sera plus regardé comme folie, enfin par certains.
« Erik Satie : gymnopédiste !
En un instant, il a un nom, il est engagé.
La vie, la vrai, commence. »
Malheureusement pour Satie, il y a les nuits saoules et ce sale caractère qui l’oblige à se refermer sur la solitude. Quand on ne le comprend pas et qu’il n’est pas reconnu comme un avant-gardiste, il se fâche. Colérique dans sa création, colérique dans ses amitiés.
Pourtant, il va se prendre d’une tendresse amicale pour un autre musicien Claude Debussy qui très finaud lui piquera une de ses idées musicales. Debussy aura le succès et lui Satie, n’en parlons pas.
A trente quatre ans, au début du nouveau siècle, il décide de s’isoler dans la banlieue à Arcueil. Il y vivra de nombreuses années sans y inviter aucun ami.
« Il y a une couleur Satie. Le gris. Et un mystère Satie : sa chambre finale, à Arcueil, rue Cauchy. Un lieu apocalyptique, comme l’envers de sa vie. »
Le jour de sa mort, ses amis ont découvert un lieu à la mesure de cette solitude qu’ils n’avaient pas perçue. Une couche de poussière, deux pianos, des petits papiers, des partitions et sans énumérer le tout, quatorze parapluies.
Très très beau premier roman de Stéphanie Kalfon qui à travers son récit poétique nous donne rendez-vous avec un homme qui malheureusement n’aurait pas du naître à l’époque où il a vécu.
Stéphanie Kalfon nous en trace un portrait qui est de toute beauté. Chaque page est un enchantement.
Ce n'est pas un coup de coeur mais un coup de tendresse. Tendresse que Stéphanie Kalfon transmet comme une partition.