Des nuages et des tours de Dominique Fabre
Durant cinq années, Dominique Fabre ecrivit des chroniques dans le Matricule des Anges et c'est un pur délice.
"En plus du beau temps, on a des oiseaux dans les arbres.Je les entends en prenant le PC2, à sept heures et demie du matin, le soir aussi quelquefois.J'aime quand le monde vous donne l'envie de le regarder en face. Des ouvriers ont taille le grand peuplier qui faisait de l'ombre chez moi, harnaches comme des alpinistes, en se marrant. Sur les platanes géants en face du foyer pour migrants du boulevard, j'ai vu déjà deux-trois bourgeons. Les gens regardent parfois les platanes incrédules, est-ce que ça va tenir, est-que c'est parti pour de bon ? Aimer les arbres."
Dominique Fabre parcourt son quartier dans le XIIIème. Tour d'Ivry, rue du Château des Rentiers. La population y est cosmopolite : chinois, roumains, maliens, des humains qui tentent de s'en sortir. Les expulsions qui surviennent certains jours. Des femmes et des hommes qui vont et viennent, La misère rode également sur les trottoirs et prend des allures de danseuse.
A travers les vitres,on cotoie la vie de ses voisins. Le couple de naturistes, la jeune fille qui allume des bougies dans tout son appartement.
Parler avec les autres, les regarder, les rêver. Comment imaginer qu'un jardinier fasse grandir ses plants uniquement pour les voir crôitre, il ne les mange même pas. Le gardien qui vit par procuration virtuelle.
"Tous ces endroits qui nous attendent et qui ne demandent qu'à nous parler, jour et nuit.Je suis rentré en partie à pied et, comme si j'avais déjà fini ma journée. à 7 heures du matin, j'ai pris un tramway bondé, avec des tronches de cake et mal lunées. Paris ne se réveille jamais de la même façon"
Parfois, les souvenirs se font plus forts, retour dans le quartier de son enfance, retour sur les lieux de l'enfance de ses fils. Et c'est le bourdon.
Dans ce passé, il y a le Chili et ses amis japonais. Les vacances en famille, les rires, les rencontres littéraires.
"Souvent, on ne voit bien que dans ses souvenirs. Nous n'allons pas disparaitre de si tôt, mais nous habiterons dans une grande ville conçue comme une société anonyme, avec des soldes deux fois par an"
Dominique Fabre aime les êtres qui l'entourent, ils les racontent avec tellement d'amour, qu'on ne peut résister.
En ce moment je lis
"J'avais envie de faire mes vitres.On devait faire les vitres au printemps par chez moi, en banlieue.Aujourd'hui j'adore ça! Bientôt il y aura des feuilles aux arbres et le soleil rentrera sans taches de doigts par mes fenêtres, rue du Château des Rentiers"
Des nuages et des tours de Dominique Fabre
Immortelle randonnée de Jean Christophe Rufin
Encore un livre sur Compostelle, me direz vous. Mais racontée par Rufin, je ne pouvais qu'être tentée.
Ayant dévoré quelques années auparavant Globalia du même auteur, je savais que je serais conquise.
C'est par le chemin du nord, en partant d'Hendaye que le pélérinage débute. Chemin moins fréquenté donc plus apte à plaire au pélerin qu'est Rufin.
Il préfère dormir dans sa petite tente que de se fondre dans la promiscuité entre pélerins dans les relais mais surtout il fuit le ronfleur qui l'empêchera de se réposer.
On pourrait penser au début, que le récit sera humoristique, point n'en faut, c'est le cheminement du pélerin et sa transformation que l'on découvre.
Paysages, portraits d'autres pélerins, enthousiasme, découragement, obsession de tout ce qui se rapporte à la foi, état Boudhique, le marcheur se transforme au fil des kilomètres et nous entraine dans un voyage surprenant. Transformation physique autant que de la pensée. Le marcheur passe d'ailleurs par un état boudhique.
"Délivré de cette ultime dernière enveloppe protectrice, le pélerin que j'étais à l'orée de cette troisième semaines, était enfin nu, prêt à accueillir la vérité du chemin. J'avais repoussée, les rêves, les pensées, enfin la foi. Que me restait-il après ses mues successives ?J'allais bientôt le découvrir tandis que la pente se faisait plus rude et l'air plus vif"
Aifelle en parle bien mieux que moi.
Etonnement, après avoir refermé le livre, j'ai eu une envie terrible de relire les déferlantes. Les chemins de Compostelle nous ramènent-ils à nos bonheurs ?