Remonter la Marne de Jean Paul Kauffmann
"Le long de la berge, pas besoin de réfléchir, il suffit d'accompagner le flux. Pas de carte à consulter, pas d'inscriptions à déchiffrer, casse-tête de la randonnée. Cette déambulation quasi somnambulique est reposante, elle permet de s'absorber spacieusement dans ses pensées sans perdre de vue la rivière"
Un beau jour, Jean Paul Kauffmann décide de remonter la Marne. Le voyage commence à Paris, lorsque cette rivière plonge dans la Seine. Elle a fait un si long voyage sans être récompensée d'apercervoir la mer. C'est la Seine qui portera tout bénéfice de cette fusion des eaux.
Pourquoi cette envie ? Pourquoi pas après tout. Cette idée a été distillée en partie par un petit livre découvert dans une bouquinerie. Livre écrit par un parfait inconnu : Jules Blain. Poilu de son état et qui décidé lui aussi de faire un long voyage mais en se sevounant de la grande guerre.
Le voyage peut commencer, les berges de halage tendent les bras.
Durant ce périple, le marcheur va faire la connaissance d'une région non pas dévastée mais endormie. Ce qui n'empêche pas leurs habitants d'y vivre comme ils l'"entendent., la France de conjurateurs. Chacun est de sa région et il l'aime à sa manière.
Rencontre avec les naiades qui bordent le chemin ou les ponts car la Marne est représentée comme une femme. Il ne faut pas oublier que durant une certaine époque, la Marne accuillait des ginguettes ainsi que des piscines de plein air. Autre temps oublié depuis longtemps.
Mais la Marne évoque également la guerre, la terrible et impossible de ne pas y penser, surtout avec la silhouette de Jules Blain qui se découpe dans la mémoire.
"Bien au délà de la grande guerre, le passé m'envoute et m'epuise à la fois.Il ne me donne aucun répit. et crée chez moi une dépendance telle que, lorsque j'arrive dans une ville, Il me faut à tout prix trouver un château,une église, une stèle, un musée. Châlons en possède trois. Je me limiterai à un seul le musée Granet. A cause de Jules Blain.
Le long des villes qui bordent la rivière, le Jansénisme se rappelle de temps en temps. L'ombre des écrivains planent telle La Fontaine qui courut le long de cette rivière. Simenon qui y installa son Maigret Toutes ces ombres accompagnent les pas. Distillation de l'histoire, de la religion et de l'écriture sur les bords de la rivière.
Ne pas oublier le champagne car la rivière traverse cette région.
La solitude n'est pas toujours de mise dans ce périple. Jean Paul Kauffmann va faire une partie du chemin avec un ami photographe qui cherche la lumière avec un grand L. Navigation également et comprendre que ce que l'on aperçoit comme marcheur ne correspond pas du tout à ce que l'on perçoit quand on glisse sur l'eau.
"Dans l'air vif du matin, sensation exaltante de découvrir un monde ignoré qui frappe par son caractère énergique, hors du commun. A pied, je n'ai cessé pourtant d'avoir l'oeil sur cette rivière. Cette magnifique épue d'eau, devant moi, je l'ai regardée, mais je ne l'ai pas vue.Fatalement, le marcheur est celui qui , marchant de côté, passe à côté"
Un chien errant qui va l'accompagner un bout de chemin jusqu'à une autre rencontre humaine. Le chien décide de suivre cet nouvel inconnu. Sent-il qu'il sera plus en sécurité avec ce deuxième humain ?
Sept semaines plus tard, difficulté de trouver la source qui se niche à Balesmes
"Enjambant des vignes et des vergers, je l'ai enfin trouvée au fond d'un val. Les arbres gainés de lierre y sont d'une hauteur vertigineuse. En ce mois d'octobre, les oiseaux chantaient encore"
Je ne parlerai pas de coup de coeur mais d'un véritable ressenti. Sur les pas de Jean Paul Kauffmann, je retrouve mes chemins de halage bien loin de ceux de la Marne. Les regards méfiants de ceux qui vivent au bord d'une rivière ou d'un fleuve. Les péniches abandonnées, les chiens qui courent, l'ombre de Maigret et surtout les odeurs, le mouvement de l'eau.Tout me parle dans ce livre, Il faut écouter l'eau pour comprendre ce pur bonheur. Un ressenti également car la région que traverse ma rivière est de même déserté, abandonné . La Marne n'est pas la Seine, ni la Loire, elle n'est que la Marne, ne vous attendez pas à la description de merveilleux paysages. Par contre, si vous aimez l'histoire, vous la croiserez entre quelques lignes Et si vous aimez André Breton vous comprendrez son surréalisme.
Objective non...mais le voyage vaut le détour....laissez vous emporter
photo empruntée à internet.