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Les couleurs de la vie
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15 octobre 2018

Où vivre de Carole Zalberg

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Où vivre. Juste un endroit où vivre. 

 

« Nous arrivons de pays épuisés où  notre jeunesse devait chaque jour, s’attacher aux ruines. Les fantômes nous accompagnaient partout, s’agrippaient à nos chevilles, pesaient sur nos épaules , ne nous laissaient même pas rêver. Sans parler des vivants morts, partout autour de nous, vivants, mais morts là bas ne sachant ni revivre vraiment, ni cesser, se taisant, ou parlant trop et seulement de ça, de ce là-bas, où une part d’eux-mêmes continuaient d’être terrifiée, avait peur et froid et mal, à jamais. »

 

Lena la grand soeur est partie la première, remplie d’espoir et de courage. Elle est partie avec d’autres jeunes pour fonder un Kibboutz car le futur est là-bas. Vivre différemment, fonder une nation, voir fleurir les fleurs dans le désert. Sa petite soeur Ana la suivra. 

 

Chacune sa vie. Lena va épouser Joachim, qui travaille du matin au soir, arrachant au sol des fruits. Adorant sa femme mais terrible dans ses colères car les fantômes même là bas viennent vous habiter. Un couple aimant qui aura trois fils, élevés au milieu des autres enfants; de la jeunesse et des rires. 

 

Ana, désirait rejoindre sa soeur mais ses études d’infirmière, l’homme qu’elle rencontre. Où vivre ? En France.  Et puis il y a Nathalie et Marie. Ils iront avec les petites les voir en vacances.  Leurs parents sont bien partis vivre à Tel Aviv.  Lena aimerait tellement rassembler les siens autour d’elle mais elle comprend le choix de sa petite soeur et même l’incite à rester en France. 

 

 

« Mais nous irons les voir, ma soeur adorée, son époux aux traits de prophète et leurs fils magnifiques, dès que nous en aurons les moyens. Nous irons les voir et une petite voix en moi me souhaite de ne pas, alors être envahie de regrets »

 

Les trois fils de Joachim et Lena sont pétris de contradiction dans ce pays continuellement en guerre. Et ce service militaire qu’ils doivent accomplir, le plus jeune Noam, en souffre trop. 

 

Alors où vivre ? En Amérique ? En Israel ?  Les circonstances de la vie en décident.  Oublier les fantômes qui hantent la génération d’avant.  Essayer de comprendre la complexité de leur Etat.

 

Marie et Lena, rencontrent trop peu souvent leurs cousins, juste quand ils se rendent là bas où Marie petite s’ennuie un peu. Elle s’y rendra toute seule en été, l’été de ses 18 ans.  

 

Joachim décédé en 1986 suite à l’absorption de tous les produits chimiques qui arrosaient les plantations. Lena reste  au kibboutz.  

 

L’assassinat de Rabin sera un choc terrible pour Lena et ses fils. Ana en pleurera pour sa soeur. Marie choquée mais trop prise dans sa vie de jeune maman. 

 

Lena pensant qu’en fait, l’endroit où vivre aurait été vain. Tous ses efforts pour en arriver là. Pourtant sa vie elle ne la verrait pas autrement. Heureusement Joachim n’est plus là. Il aurait été désespéré. 

 

Trente ans plus tard, Marie retrouvera les siens pour comprendre, retrouver les liens entre cousins, tenter de saisir cette terre où les descendants d’exilés polonais ont fixé leur horizon. 

 

Bien entendu Marie qui raconte, c’est la voix de Carole Zalberg. 

 

Dans ce splendide roman familial mêlant la parole de chacun, et chacune on décèle que le poids de la Shoah s’efface  mais qu’elle  ne peut jamais être oublié même par la jeune génération.

On décèle toutes les contradictions qui s’imbriquent dans l’Etat d’Israêl.  Les dirigeants actuels n’ont plus les mêmes idéaux que Joachim et Lena.  

 

 En lisant Charlotte Delbo ce matin, je pensais à Où vivre qui m’avait entrainé vers la lecture de Charlotte. Il y a tant d’amour dans l’écriture de ces deux femmes. Difficile à expliquer car le sujet n’est pas le même, l’écriture est totalement différente  et pourtant certaines phrases se rejoignent et se collent.

 

 

Un magnifique roman écrit par une femme lumineuse du nom de Carole Zalberg.

 

J'espère que j'ai trouvé les mots pour que l'envie vous vienne à le lire ce roman. J'aimerais tellement. 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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12 octobre 2018

Roissy de Tiffany Tavernier

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« Quand transie de froid, je pousse la porte des aérogares, le hurlement de leurs réacteurs résonne encore en moi. Et comme je l’aime, ce boucan. Il me lave »

 

Elle vit à Roissy depuis des mois. Elle ne sait pas qui elle est, ni d’où elle vient. Elle sent en elle qu’il s’est passé un drame dans sa vie mais cela revient par bribes.

 

Alors elle marche, marche et marche encore au milieu des voyageurs. Elle invente qu’elle part en voyage. Elle s'invente des destinations. Elle a bien remarqué cet homme qui attendait le vol venant de Rio et qui restait seul après le passage de tous ceux qui reviennent.

 

Elle vole des vetements, des valises, de la nourriture. Il faut qu’elle change d’aspect pour que les vigiles ne la repère pas. 

 

Elle ne veut pas ressembler aux SDF qui puent et qui lui font un peu peur. Vlad, Liam qui lui fait lire son journal délire, Josias qui est amoureux d’elle et tant d’autres. Ceux qui se cachent dans les sous-sols. Elles les aime et les craint en même temps.

 

Elle fait partie de ceux qui n’ont plus rien et cela l'arrange. 

 

Mais celui attendait le vol de Rio la retrouve et lui déclare qu’il l’a cherchait. Elle fuit d’abord. Il la retrouve ànouveau et s’imagine qu’elle aussi a perdu un être aimé dans la catastrophe aérienne de ce vol. Lui, il y a perdu sa femme et il attend, il espère voir sa silhouette portant ce manteau bleu. Elle lui ment puisque de toute façon elle n'est plus rien dans sa mémoire.

 

Et tout va changer.

 

« Pour eux, comme pour moi, ce monde est notre dernière chance. Le quitter ne serait-ce qu’une seule fois, ce serait renoncer à tous les voyages, à toutes les identités, perdre, en somme, le peu de matière qu’il nous reste, rompre définitivement le fil qui nous tient encore en vie, briser la magie par laquelle chacun de nous ici s’invente hors de la violence du monde. »

 

 

Ne passez pas à côté de ce roman. Il va vous happer et vous en sortirai un peu déséquilibrée. 

 

11 octobre 2018

Nirliit de Juliane Léveille-Trudel

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« Ils ont quitté  leur réserve ou leur village, ils ont abouti n’importe comment sur le ciment de Montréal, Winnipeg ou Vancouver, ils confortent les gens occupés dans la vision qu’ils ont d’eux : des ivrognes, des paresseux, des irresponsables. »

 

Elle se demande si elle y retournera et elle y retourne comme chaque été,  comme une oie qui migre du sud au nord. Elle retourne à Salluit. Elle y retourne pour les enfants et pour tenter de raconter à Eva. Son amie disparue, assassinée, peut-être violée qui git certainement dans un Fjord.

 

Elle lui parle à Eva. Elle lui raconte ces enfants qui sur un an de temps, sont transformés en ivrognes ou drogués. Elle lui raconte leur violence et leurs rires. Elle raconte leur désarroi et leur joie. Elle constate que le futur que l’homme blanc leur a imposé ne leur convient pas à ce peuple du froid : les Inuits.

 

Elle parle à Eva de son fils Elijah qui aime la jolie Maata, qui aime elle ce blanc. 

 

Oui les blancs qui viennent construire des maisons. Entre eux et les filles c’est comme un une jeu. Elles sont si jeunes, parfois 12 ans et pourtant ils se servent. A portée de mains et puis elles n’attendent que cela.  Des Inuits femelles qui n’ont aucune valeur. Elles se font payés. Alors, quand elles ne veulent pas, le blanc les viole.  Amour ou haine, bien souvent, le ventre de la jeune fille s’arrondit d’un enfant que le blanc ne veut pas. Il a une autre famille dans le sud. Il ne va pas s’encombrer d’une sauvage aux yeux un peu bridés. 

 

Il ne comprend pas le blanc, qu’elle, elle veut seulement partir, échapper aux coups, à l’alcool, à la drogue. Elle rêve d’un sud si doux que le blanc ne lui offrira jamais.

 

« Et vous mourez. Vous n’en finissez plus de mourir, il y a tous ces accidents stupides qu’on pourrait éviter, il y  a la toundra impitoyable qui ne vous laisse aucune chance, il y a les maladies que nous n’avons plus, comme la tuberculose, mais qui vous attaquent encore parce que vous vivez dans des conditions sanitaires dignes de 1850, il y a tout ça mais en plus vous vous tuez vous-mêmes, crisse. »

 

« Ils sont tous là à me féliciter pour me dévouer envers les enfants du Nord, mais ils oublient que je reçois beaucoup en retour, ils oublient que je meurs si je reste immobile, ils oublient qu’une voix en-dedans me crie toujours d’aller voir ailleurs si j’y suis. « 

 

 

Premier roman de Juliana Léveillé-Trudel. Un petit bijou d’humanité. Apre et tendre à la fois. Inoubliable. 

 

A travers la vie d’Eva et de son fils, la narratrice nous parle de ce peuple d’Inuits parqués dans des maisons dont ils ne veulent pas, désoeuvrés car c’est là qu’on a décidé de les parquer un jour. Vivant des aides sociales, on vous dira qu’ils sont paresseux. Moi je dirais déracinés par l’orgueil des blancs qui s’imaginent que eux ils ont tout compris et que leur vie est la meilleure. 

 

Certains s’en sortent, oui mais une infime minorité malheureusement. 

 

La civilisation blanche ne sait qu’en faire alors on les paie. On les a sédentariser de force. Pas le choix, faites de la place aux gens dit civilisés.

 

Un roman qui renferme tous les sourires d’enfants et leurs rêves cabossés.  Un roman qui déplie toute la beauté des paysages, le parfum de la nature, l’ondulation du vent. 

 

Et telle une oie Nirliit on en retrouvera le chemin

 

Voir l'avis d'Aifelle,d'Anne 

 

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1 octobre 2018

Un homme doit mourir de Pascal Dessaint

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Avant de vous chroniquer ce livre, sachez que chaque héron qui apparait à l’horizon est associé dans mon petit cerveau à Pascal Dessaint cet amoureux des oiseaux.

 

 

J’ai savouré ce nouveau roman c’est un fait acquis.

 

A travers le portrait de personnages principaux Pascal Dessaint nous schématise ce que notre monde est devenu.

 

Boris, naturaliste et donc aimant la nature, est pourtant employé par une société qui contre expertise l’avis de l’expert qui pourrait ne pas aller dans leur sens. Bon bref, Boris travaille pour obtenir l’aval de cette décharge dans les landes. Pourtant Boris n’est pas un mauvais bougre : il loge dans un gîte tenu par des écolos et il s’accorde du temps pour écouter Pepe qui va créer une Zad. 

 

Pepe à l’arme idéale contre la non implantation. Une petite chose qui vole. Une libellule. 

 

A l’opposé de Boris, Alexis. Il se dit forestier. En fait, il fait abattre  des forets tout en sachant la catastrophe écologique que cela peut provoquer. Il s’en fout. Il pense argent mais beaucoup moins que son ami Raphael qui lui a érigé et fait venir par hélicoptère une villa sur une dune qu’il a complètement arasée, rien que pour la vue. Villa bâtie avec l’accord de la municipalité : l’argent achète tout. 

 

Tout en survolant telle la libellule de son écriture, ce chaos mondial, Pascal Dessaint ne nous lance pas de grandes phrases : révoltez-vous, non plus calmement, il nous fait comprendre qu’il ne faut jamais perdre espoir et que chaque petit chose, meme si c’est un insecte, mérite que l’on se mobilise pour lui. Observez, regardez et résistez. 

 

Très très bon roman, je me répète.

 

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