La guerre est dure comme une tempête,
la guerre est farouche et meurtrière,
comme l'Océan, par les nuits d'équinoxe où les vaisseaux perdus hurlent sur les écueils,
la guerre, soudain calme et dormante,
la guerre folle, sauvage et féroce,
la guerre est belle, dites, les gars,
la guerre est belle comme la mer !...
La tranchée est une vague pétrifiée,
une vague attentive et silencieuse,
bouillonnante et débordante de force.
Et, là-bas, les obus invisibles,
cataractants et foudroyants,
se heurtant aux blockhaus d'acier âpres et durs comme des brisants,
fleurissent en gerbes soudaines,
en hauts bouquets sifflants et fumants,
comme si un fabuleux raz de marée donnait du front sur la falaise.
Et, par-dessus, le ronflement des trajectoires comme le cri unanime de la mer.
Albert Paul granier
Tableau de Vuillard
Tableau d'Orpen
Mais toi, dont le masque effroyable
Est défiguré par l’horreur
Semblable au monstre de la fable
Dont les petits enfants ont peur.
Toi, qui dans la tragique fête
Au premier rang des bataillons,
A su, sans détourner la tête
Recevoir le coup en plein front.
Toi qui n’en es pas mort, pauvre homme,
Mais à toi-même hélas survis !
Toi, qui n’a su donner en somme
Que ton visage à ton pays…
L’amour se détourne à ta vue,
L’amitié ralentit le pas,
Et le soir de ta venue
Ton chien ne te reconnût pas !
Si tu n’as plus ta vieille mère,
Ne rentre pas à la maison
Oh ! pauvre enlaidi à la guerre
Fuis, au hasard, vers l’horizon !
Fuis ta demeure et ton village
On te plaint moins qu’hier déjà,
On se détourne davantage
Et demain on t’évitera.
Mais, si ta mère est à la porte,
Entre sans crainte, elle t’attend !
Pourquoi trembles-tu ? Que t’importe ?
Elle a reconnu son enfant !
Elle t’étreint et te regarde,
Et clame quelle chance j’ai…
C’est bien lui, je l’ai, je le garde
C’est mon fils, il n’a pas changé
Anonyme