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Les couleurs de la vie
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31 juillet 2011

Sa maison est devenue aujourd'hui une usine à

Sa maison est devenue aujourd'hui une usine à pétrole.
    Il n'existait pas peut-être en France une demeure plus littéraire et plus séduisante pour un écrivain.
    Toute blanche, datant du XVIIe siècle, séparée de la Seine par un gazon et par un chemin de halage, elle regardait la magnifique vallée normande qui va de Rouen au port du Havre.
    Les grands navires, remorqués lentement vers la ville et vus des fenêtres du cabinet de travail de Flaubert, semblaient passer dans le jardin. Il les regardait, la face collée aux vitres, puis il retournait s'asseoir à sa table de travail, reprenait, dans son grand plat d'Orient, une des cent plumes d'oie qui dormaient là, et il se remettait à écrire en déclamant sa prose. Il veillait si tard chaque nuit que sa lampe servait de phare aux pêcheurs de la rivière.
    Deux des fenêtres de ce cabinet, plein de livres et de souvenirs de voyage, s'ouvraient sur le jardin, dont les allées gravissaient la côte. Un immense tulipier les venait caresser. Presque jamais Flaubert ne quittait ce cabinet de travail, n'aimant pas marcher, car il répétait souvent que le mouvement n'est point philosophique.
    Quelquefois, cependant, il allait se promener une demi-heure dans la longue avenue de tilleuls, à la hauteur du premier étage, allant de la maison au bout de la propriété. Pascal aussi avait marché sous ces tilleuls, car il demeura quelques jours sous ce toit.
    On croit aussi que l'abbé Prévost y fit un court passage. Quand on montait jusqu'au haut du jardin, une admirable vue s'étendait sous les yeux. Le grand fleuve, semé d'îles couvertes d'arbres, descendait de Rouen vers Le Havre.
    Sur la rive droite, en se tournant vers l'est, les cent clochers des églises rouennaises se dressaient dans le ciel brumeux, tandis que sur la rive gauche les innombrables cheminées d'usines de Saint-Sever, faubourg industriel, déroulaient dans le même firmament leurs crêpes onduleux de fumée noire.
    Mais quand on se tournait vers l'ouest, c'était une longue vallée verte où coulait le fleuve. Sur les côtés, des forêts sombres, et, dans le fond, le grand serpent d'argent liquide qui glissait doucement vers la mer.

Chronique de Maupassant (la maison de Flaubert)

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Commentaires
A
Si j'ai bien compris Aifelle, une maison d'écrivain disparue... dommage.<br /> Bon dimanche Ptitlapin !!!
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A
C'est un texte qui fait mal :-( Chaque fois que je passe devant ce qui reste de la maison de Flaubert (un petit pavillon) j'ai un pincement au coeur. Et il verrait le point de vue aujourd'hui il serait effondré, c'est une très moche zone portuaire grillagée. Il ne doit pas subsister grand chose de son environnement d'origine.
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