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Les couleurs de la vie
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29 janvier 2019

La traversée intérieure de Taha Hussein

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Taha Hussein qui fut ministre de l’éducation sous Nasser en Egypte a écrit sa vie dans « le livre des jours » dont cette traversée intérieure est le second.

Taha Hussein était aveugle depuis l’âge de trois ans. Admirateur d’un très grand poète Syrien Abou Alal atteint de cécité comme lui. Et issu d’une famille pauvre.

 

Au début de ce volume le jeune Taha Hussein suit les cours souvent théologiques et entrecoupés de prières à l’école de el Azhar où il s’ennuie fermement. Il voit sa vie comme une suite de journées sans fin et semblables aux autres. 

 

Jusqu’au jour où 

 

« ce fut à peu près à cette époque là que l’on commença à entendre parler de l’université.. ce mot lui fit, la première fois qu’il l’entendit, la plus curieuse impression, car il n’avait connu, jusqu’alors qu’une sorte d’établissement de l’enseignement : la Mosquée »

 

La première université laïque voit le jour en 1908.

 

 

Taha Hussein va donc décider de s’y rendre avec des amis et prend conscience que certains professeurs étrangers s’intéressent à leur culture. Il va également découvrir l’histoire passée de son pays, ce qu’on ne leur avait jamais enseigné à la Mosquée.

 

Il n’aura dès lors plus qu’une idée en tête, poursuivre ses études en France. Il va donc apprendre le français et demander par trois fois d’être envoyé comme boursier avec d’autres étudiants en France.

 

Sa persévérance paie et il débarqué à Montpellier. Il va constater deux difficultés : son  français n’est pas assez pur et sa cécité qui l’embarasse dans la lecture des cours. Il va donc apprendre le braille dont en Egypte on ne parle aucunement.

 

Malheureusement, les étudiants doivent repartir en Egypte car l’Université du Caire n’a plus assez d’argent. 

 

Il n’aura qu’une envie repartir là bas et toujours persévérant, il y retourne mais cette fois à Paris où il va suivre des cours à la Sorbonne. Mais un autre souci se dessine : il ne connait pas le latin. 

Qu’à cela ne tienne, il va prendre des cours. 

 

Sa vie va à nouveau changer lors de sa rencontre avec une jeune fille : Suzanne. Car pour suivre les cours de la Sorbonne, il lui faut de l’aide. Suzanne va passer des heures à lui faire la lecture de ces cours.

 

Taha Hussein veut absolument être l’un des premiers égyptiens a obtenir la licence de lettres et il veut également écrire une thése.

 

Pour la deuxième fois, il est sommé de revenir en Egypte car le conflit mondial brouille déjà l’horizon.

 

Taha Hussein est désespéré car tous les efforts qu’il a fourni tombent à néant. Et puis, la voix de Suzanne lui manque.

 

Il arrivera à repartir en France. Terminera ses études, épousera Suzanne. Verra naitre sa petite fille et c’est en famille qu’il repartira dans son pays bien décidé à y enseigner.  

 

Car l’Egypte voit la révolte se dessiner contre l’occupant anglais. 

 

 

 

Je terminai ce résumé avec des morceaux de poèmes de d’Abu l-Ala dont le modernisme est incroyable alors qu’il fut écrit dans les mille. 

 

La vérité est soleil recouvert de ténèbres -
Elle n'a pas d'aube dans les yeux des humains.

La raison, pour le genre humain

Est un spectre qui passe son chemin.

Foi, incroyance, rumeurs colportées,

Coran, Torah, Évangile

Prescrivant leurs lois ...

À toute génération ses mensonges

Que l’on s’empresse de croire et consigner.

Une génération se distinguera-t-elle, un jour,

En suivant la vérité ?

Deux sortes de gens sur la terre : 

Ceux qui ont la raison sans religion,

Et ceux qui ont la religion et manquent de raison.

Tous les hommes se hâtent vers la décomposition,

Toutes les religions se valent dans l'égarement.

Si on me demande quelle est ma doctrine,

Elle est claire :

Ne suis-je pas, comme les autres,

Un imbécile ?

 

 

 

 

En lisant l’autobiographie de Taha Hussein, je ressentais son ouverture à toute culture différente de la sienne, son acceptation de l’autre, ses défis. Il aurait pu se lamenter sur sa cécité et sa pauvreté toute sa vie mais il a choisi de comprendre ce que la culture occidentale méditérranéenne avait et pouvait apporter à son pays. Car le monde est tissé de liens qu’on le désire ou non.

 

Sans oublier l’humour qui parsème son récit.

 

Une très belle découverte.

 

 

 

 

 

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15 octobre 2018

Où vivre de Carole Zalberg

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Où vivre. Juste un endroit où vivre. 

 

« Nous arrivons de pays épuisés où  notre jeunesse devait chaque jour, s’attacher aux ruines. Les fantômes nous accompagnaient partout, s’agrippaient à nos chevilles, pesaient sur nos épaules , ne nous laissaient même pas rêver. Sans parler des vivants morts, partout autour de nous, vivants, mais morts là bas ne sachant ni revivre vraiment, ni cesser, se taisant, ou parlant trop et seulement de ça, de ce là-bas, où une part d’eux-mêmes continuaient d’être terrifiée, avait peur et froid et mal, à jamais. »

 

Lena la grand soeur est partie la première, remplie d’espoir et de courage. Elle est partie avec d’autres jeunes pour fonder un Kibboutz car le futur est là-bas. Vivre différemment, fonder une nation, voir fleurir les fleurs dans le désert. Sa petite soeur Ana la suivra. 

 

Chacune sa vie. Lena va épouser Joachim, qui travaille du matin au soir, arrachant au sol des fruits. Adorant sa femme mais terrible dans ses colères car les fantômes même là bas viennent vous habiter. Un couple aimant qui aura trois fils, élevés au milieu des autres enfants; de la jeunesse et des rires. 

 

Ana, désirait rejoindre sa soeur mais ses études d’infirmière, l’homme qu’elle rencontre. Où vivre ? En France.  Et puis il y a Nathalie et Marie. Ils iront avec les petites les voir en vacances.  Leurs parents sont bien partis vivre à Tel Aviv.  Lena aimerait tellement rassembler les siens autour d’elle mais elle comprend le choix de sa petite soeur et même l’incite à rester en France. 

 

 

« Mais nous irons les voir, ma soeur adorée, son époux aux traits de prophète et leurs fils magnifiques, dès que nous en aurons les moyens. Nous irons les voir et une petite voix en moi me souhaite de ne pas, alors être envahie de regrets »

 

Les trois fils de Joachim et Lena sont pétris de contradiction dans ce pays continuellement en guerre. Et ce service militaire qu’ils doivent accomplir, le plus jeune Noam, en souffre trop. 

 

Alors où vivre ? En Amérique ? En Israel ?  Les circonstances de la vie en décident.  Oublier les fantômes qui hantent la génération d’avant.  Essayer de comprendre la complexité de leur Etat.

 

Marie et Lena, rencontrent trop peu souvent leurs cousins, juste quand ils se rendent là bas où Marie petite s’ennuie un peu. Elle s’y rendra toute seule en été, l’été de ses 18 ans.  

 

Joachim décédé en 1986 suite à l’absorption de tous les produits chimiques qui arrosaient les plantations. Lena reste  au kibboutz.  

 

L’assassinat de Rabin sera un choc terrible pour Lena et ses fils. Ana en pleurera pour sa soeur. Marie choquée mais trop prise dans sa vie de jeune maman. 

 

Lena pensant qu’en fait, l’endroit où vivre aurait été vain. Tous ses efforts pour en arriver là. Pourtant sa vie elle ne la verrait pas autrement. Heureusement Joachim n’est plus là. Il aurait été désespéré. 

 

Trente ans plus tard, Marie retrouvera les siens pour comprendre, retrouver les liens entre cousins, tenter de saisir cette terre où les descendants d’exilés polonais ont fixé leur horizon. 

 

Bien entendu Marie qui raconte, c’est la voix de Carole Zalberg. 

 

Dans ce splendide roman familial mêlant la parole de chacun, et chacune on décèle que le poids de la Shoah s’efface  mais qu’elle  ne peut jamais être oublié même par la jeune génération.

On décèle toutes les contradictions qui s’imbriquent dans l’Etat d’Israêl.  Les dirigeants actuels n’ont plus les mêmes idéaux que Joachim et Lena.  

 

 En lisant Charlotte Delbo ce matin, je pensais à Où vivre qui m’avait entrainé vers la lecture de Charlotte. Il y a tant d’amour dans l’écriture de ces deux femmes. Difficile à expliquer car le sujet n’est pas le même, l’écriture est totalement différente  et pourtant certaines phrases se rejoignent et se collent.

 

 

Un magnifique roman écrit par une femme lumineuse du nom de Carole Zalberg.

 

J'espère que j'ai trouvé les mots pour que l'envie vous vienne à le lire ce roman. J'aimerais tellement. 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

12 octobre 2018

Roissy de Tiffany Tavernier

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« Quand transie de froid, je pousse la porte des aérogares, le hurlement de leurs réacteurs résonne encore en moi. Et comme je l’aime, ce boucan. Il me lave »

 

Elle vit à Roissy depuis des mois. Elle ne sait pas qui elle est, ni d’où elle vient. Elle sent en elle qu’il s’est passé un drame dans sa vie mais cela revient par bribes.

 

Alors elle marche, marche et marche encore au milieu des voyageurs. Elle invente qu’elle part en voyage. Elle s'invente des destinations. Elle a bien remarqué cet homme qui attendait le vol venant de Rio et qui restait seul après le passage de tous ceux qui reviennent.

 

Elle vole des vetements, des valises, de la nourriture. Il faut qu’elle change d’aspect pour que les vigiles ne la repère pas. 

 

Elle ne veut pas ressembler aux SDF qui puent et qui lui font un peu peur. Vlad, Liam qui lui fait lire son journal délire, Josias qui est amoureux d’elle et tant d’autres. Ceux qui se cachent dans les sous-sols. Elles les aime et les craint en même temps.

 

Elle fait partie de ceux qui n’ont plus rien et cela l'arrange. 

 

Mais celui attendait le vol de Rio la retrouve et lui déclare qu’il l’a cherchait. Elle fuit d’abord. Il la retrouve ànouveau et s’imagine qu’elle aussi a perdu un être aimé dans la catastrophe aérienne de ce vol. Lui, il y a perdu sa femme et il attend, il espère voir sa silhouette portant ce manteau bleu. Elle lui ment puisque de toute façon elle n'est plus rien dans sa mémoire.

 

Et tout va changer.

 

« Pour eux, comme pour moi, ce monde est notre dernière chance. Le quitter ne serait-ce qu’une seule fois, ce serait renoncer à tous les voyages, à toutes les identités, perdre, en somme, le peu de matière qu’il nous reste, rompre définitivement le fil qui nous tient encore en vie, briser la magie par laquelle chacun de nous ici s’invente hors de la violence du monde. »

 

 

Ne passez pas à côté de ce roman. Il va vous happer et vous en sortirai un peu déséquilibrée. 

 

1 octobre 2018

Un homme doit mourir de Pascal Dessaint

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Avant de vous chroniquer ce livre, sachez que chaque héron qui apparait à l’horizon est associé dans mon petit cerveau à Pascal Dessaint cet amoureux des oiseaux.

 

 

J’ai savouré ce nouveau roman c’est un fait acquis.

 

A travers le portrait de personnages principaux Pascal Dessaint nous schématise ce que notre monde est devenu.

 

Boris, naturaliste et donc aimant la nature, est pourtant employé par une société qui contre expertise l’avis de l’expert qui pourrait ne pas aller dans leur sens. Bon bref, Boris travaille pour obtenir l’aval de cette décharge dans les landes. Pourtant Boris n’est pas un mauvais bougre : il loge dans un gîte tenu par des écolos et il s’accorde du temps pour écouter Pepe qui va créer une Zad. 

 

Pepe à l’arme idéale contre la non implantation. Une petite chose qui vole. Une libellule. 

 

A l’opposé de Boris, Alexis. Il se dit forestier. En fait, il fait abattre  des forets tout en sachant la catastrophe écologique que cela peut provoquer. Il s’en fout. Il pense argent mais beaucoup moins que son ami Raphael qui lui a érigé et fait venir par hélicoptère une villa sur une dune qu’il a complètement arasée, rien que pour la vue. Villa bâtie avec l’accord de la municipalité : l’argent achète tout. 

 

Tout en survolant telle la libellule de son écriture, ce chaos mondial, Pascal Dessaint ne nous lance pas de grandes phrases : révoltez-vous, non plus calmement, il nous fait comprendre qu’il ne faut jamais perdre espoir et que chaque petit chose, meme si c’est un insecte, mérite que l’on se mobilise pour lui. Observez, regardez et résistez. 

 

Très très bon roman, je me répète.

 

11 juin 2018

La maison à droite de celle de ma grand-mère de Michael Uras

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Que vous dire de ce roman pour vous persuader de le lire ? Qu’il est parsemé de couleurs, de senteurs, de soleil, de bonheur, de tristesse, de poésie, d’humour….je pourrais tellement en rajouter. Lisez-le vous comprendrez ce que peut être un bonheur de lecture. 

 

 

« Il n’y avait toujours personne dans la rue quand j’arrivai devant la porte d’entrée. Le village fantôme dormait encore. La serrure était difficile, je ne l’avais jamais connue autrement, comme si la maison demandait un effort particulier à celui qui désirait entrer. Mes parents n’étaient pas présents, ils étaient partis en vacances à l’autre bout de l’île. Ils me laissaient toujours une clé pour me permettre d’y retourner quand j’en ressentais le besoin. Et ce besoin se faisait de plus en plus rare. Les parents pensent savoir mieux que personne ce que désirent leurs enfants. Ils se trompent parfois. La maison était froide, les volets fermés depuis leur départ, avaient empêché l’intrusion du soleil. »

 

 

Giacomo vivant à Marseille, traducteur de romans, est sommé de revenir dans le village de Sardaigne où il a grandit. Sa NoNNa va mourir. 

 

Il prend le bateau où un musicien engagé pour combler le silence des voyageurs, ne chante que du Phil Collins. Mais diable quelle idée d’avoir choisit ces chansons là. Giacomo est peut être le seul à l’écouter.  Enfin, le bateau arrive à destination.

 

Son village où les portes des maisons sont colorées. Où les murs sont recouverts de peinture. On le nomme d’ailleurs le village aux murs peints. Retrouvailles un peu forcées. 

 

Il compte rester jusqu’au décès de sa grand-mère qu’il adore. Il a emmené avec lui ce manuscrit inédit découvert par l’éditeur Carlo : un nouveau Moby Dick. Carlo le presse de terminer au plus vite cette traduction qui va les rendre célèbres. 

 

Après le calme à son arrivée, la tempête familiale est de retour. Ses parents, oui ses parents. Son père qui se tait,  et sa mère qui cherche à chaque fois le mot qu’il ne fallait pas dire, le regard qu’il ne fallait pas montrer. Giacomo a toujours connu sa mère et sa valise, prête de toute façon, repartant dans la maison d’en face chez sa propre mère. Ses parents s’aiment ainsi. 

Mais surtout, sa mère oublie qu’il a trente six ans que diable !

 

Comme NonNa ne meurt pas mais reste les yeux fermés, il redécouvre son village où rien ne change. Fabrizio, son ami d’enfance, atteint d’une maladie de peau qui l’a vieilli prématurément, tient toujours le kiosque à journaux. Le Capitaine, appelé ainsi car décoré de la guerre. Héros en son temps et qui du faire fortune bon coeur en emmenant les gamins à la mer via le car. Son oncle Gavino qui se contente de ne pas travailler et se promener à vélo mais qui se mêle de tout. .  La librairie où les livres sentent toujours le pecorrino puisqu’installée dans une ancienne fromagerie. Manuella, l’épicière du coin dont il fut éperdument amoureux enfant, qui a présent porte bien son âge. 

 

Les souvenirs d’enfance affluent dans la mémoire. Et NOnna est toujours vivante.

 

Comme il affectionne particulièrement sa grand-mère et qu’il parait que parler aux gens dans le coma, c’est une très bonne idée, il lui raconte ses pensées et ….Nonna qui prononce un mot. A t-il rêvé ? 

 

La vieille dame n’a rien du tout en fait mais comme elle adore également son petit fils, elle lui avoue qu’elle fait semblant mais que les autres ne doivent pas savoir. Elle a décider de se reposer.  Cela fait du bien à son âge.

 

Naturellement, l’oncle Gavino n’est pas dupe et déjoue le complot de NONna.

 

 

 

Ce que Giacomo, ne sait pas encore c’est que l, île va le transformer pour qu’il se déleste de ce poids (mais dont je ne dirai rien) qui lui vrille le coeur. Qu’il emmènera également avec lui le Capitaine et que Rimbaud sera son antidote. 

 

« Le projet de Maurizio était merveilleux, apporter les livres à la campagne. Apporter la culture là, où d’ordinaire, elle manquait cruellement. Le Ministère de la Culture, justement pensait que nous, petits villageois égarés dans la montagne, rien ne nous intéressait que les brebis et les cochons. C’était une vision radicale et dangereuse. En réalité, ne jamais abreuver culturellement une population, c’est forcément l’abêtir. On voulait nous garder idiots parce que les idiots ne se plaignent jamais. Je dois dire qu’à force d’habitude une librairie ne manquait à personne, dans notre village. On faisait sans. »

 

 

Je vous répète donc, lisez-le. Un petit bijou de bonheur concentré au gout Sarde. 

 

 

 

 

 

 

 

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22 mai 2018

La vie parfaite de Silvia Avallone

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Ecrire sur un roman qui vous a percuté le coeur, tâche ô combien malaisée. 

Bon je me lance.

 

 

Aux confins de Bologne se dressent les tours dans le quartier Labriola. Ces tours où l’on parque ceux que l’on considère comme pure perte dans les villes. Autant les parquer dans un endroit bétonné, de taille gigantesque. 

 

Adèle, de sa fenêtre, ne voit que d’autres femmes sur leurs balcons, d’autres mères. Gris couleur des façades. L’horizon des antennes paraboliques. 

 

Elle vit dans ce minuscule appartement avec sa soeur Jessica et sa mère Rosaria  qui les élève comme elle peut depuis que le père a disparu, envolé, en prison il paraitrait.  Adèle se souvient de la belle maison que sa famille habitait mais il y a de cela si longtemps. 

 

Adèle, dix huit ans. Enceinte. Mère fille puisque le père Manuel est en prison. Depuis l’enfance, elle n’a aimé que lui dès leur arrivée dans ce lieu où le bonheur ne pousse que de travers.

 

Elle décide de partir seule à la maternité. Elle veut accoucher seule et abandonner son enfant seule. 

 

Au même instant, Dora, la prof de littérature, sait qu’elle va enfin pouvoir adopter un bébé. Cela fait des années qu’avec son mari Fabio, elle se bat contre sa douleur de ne pouvoir enfanter. Elle la femme dont une jambe n’est qu’une prothèse. Sa douleur est telle qu’elle ne supporte plus ces femmes enceintes. Elle les tuerait.

Elle avait si mal qu’elle aurait aimé n’importe quel enfant même un rom qui a tué, même un handicapé. Avoir un enfant, n’importe quel enfant.

 

Elle a même été si hystérique qu’elle a hurlé sur son meilleur élève Zeno. Elle l’a aperçu en compagnie d’une jeune fille enceinte, sûrement de celles qui vivent dans le même quartier que Zeno et l’a insulté. Zeno lui a tourné le dos. 

 

Zeno qui s’occupe seul de sa mère, le père ayant lui aussi pris la poudre d’escampette. Zeno qui observe depuis longtemps Adèle par la fenêtre. Il écrit même le livre de ces instants magiques. 

Zeno le meilleur ami de Manuel. Eux qui voulaient devenir quelque chose d’extraordinaire mais Manuel a sombré vers la facilité du dealer et Zeno continuant sa route dans un lycée classique. 

 

Il n’est pas prêt Manuel pour prendre le manteau du père. Il l’a dit à Adèle. 

 

Adèle accouche donc seule. Elle sait que c’est une petite fille, elle qui avait imaginé que ce serait un garçon. Le garçon, elle l’aurait gardé mais une fille, non. Une fille dans ce quartier, cela se crève pour ses enfants car les pères abdiquent tous. Le seul souvenir de cette mère qui l’abandonnera, elle désire pour Bianca que ce soit cette petite grenouillère rose. 

 

 

« Je suis née avec une jambe en moins, c’est vrai. Ma mère fumait pendant sa grossesse, ou bien un gène n’a pas fonctionné, allez savoir, ça ne m’intéresse pas. Mais je vous assure que ce manque a le plus compté que la jambe que j’aurais pu avoir. Que c’est grâce à ce manque que je suis ici et que je ne cède pas.  Et je veux pouvoir un jour prendre mon enfant dans mes bras., et l’aider à faire face à tous les manques qu’il rencontrera dans sa vie, et à tous les manques qu’il a déjà connus » Elle repris le roman sur la table de nuit, le serra fort. « J’ai mis vingt ans à comprendre ça, que ce n’est pas une faute. »

 

« Prendre une décision »

« Adèle restait immobile, de l’autre côté de la vitre, fixant ces mamans et ces papas en chaussettes qui souriaient et discutaient entre eux. Si grands, si adultes, qu’ils paraissaient hors d’atteinte. Elle pensa : Voilà, c’est ça une famille. Pendant ce temps, leurs enfants faisaient des culbutes au milieu des livres sonores et des fables venues de tous les pays du monde, les portaient à la bouche, mordaient dedans.

Elle était de l’autre côté de la barrière, enfermée dehors »

 

 

« Les façades des blocs d’immeubles formaient un zigzag, comme dans un dessin d’enfant. On s’épiait en coulisse depuis les balcons et les fenêtres des mêmes étages, par la fenêtre de la salle de bains ou celle de la cuisine. Sans compter la multiplicité des points de vue, depuis les tours en face ou à côté, les bancs et les murets de la cour, où il y avait toujours quelqu’un pour regarder. Le concepteur de ce quartier devait avoir eu des visées littéraires. Zeno, d’ailleurs n’était ni un espion ni ou fouineur.

Il écrivait ».

 

 

Des personnages qui s’imbriquent les uns les autres, par hasard. Ils se croisent et font parfois partie une seconde du regard de l’autre car ils vont tous se rencontrer à un moment à un autre. 

 

Des jeunes qui ne voient que leur vie de misère et qui rêvent à un ciel qui pourrait parfois ressembler à l’arc-en-ciel.

 

Les livres, oui les livres qui aident à se comprendre, la porte vers d’autres horizons mais qui ne sont pas assez forts pour briser ces tours de pauvreté. Non les livres ne peuvent pas tout changer. 

 

La souffrance de se sentir diminuée sans enfant. 

 

La souffrance de donner  la vie à celui qu’on ne verra pas grandir.

 

Un roman lumineux d’humanité. Un roman parsemé de larmes, de cris mais également de coins de bonheur.

Un roman inoubliable. 

 

 

 

20 mars 2018

Avant de quitter la rame de Gaelle Pingault

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C’est le morceau de sucre dans le café. Le quartier de lune qu’on croque. La plume qui voyage. La poésie que l’on vole. Il est tout petit le livre de Gaelle Pingault, tout petit mais renfermant tant de bonheur.  Encore un qui fera partie de mes trésors.

 

 

Alice n’aime pas Paris, elle supporte le métro mais la poésie dans les rames, pff. Nadya c’est une cabossée qui chaque jour tente de trouver un équilibre, la poésie elle la guette comme une bouée.

Un jour, il y a un sourire, un papier échangé. Un geste et le monde peut devenir  un peu mieux.

 

Entre les voyages d’Alice et Nadya, on quitte la rame pour découvrir un homme qui s’enfuit vers la mer, une bébé né sous x, un souvenir d’enfance, un dépistage… Des petits instants de cherche vie.  

 

Entre les mots, on aperçoit les couleurs arc-en-ciel d'un matin si gris.

 

« Pour la première fois de ma vie, j’ai lu dans le métro un peu de poésie que j’ai trouvée belle ».

 

 

13 mars 2018

Sentinelle de pluie de Tatiana de Rosnay

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Je me décide enfin de faire la chronique du merveilleux roman de Tatiana de Rosnay. Est-ce la pluie qui tombe qui m’y a incitée ? 

 

 

Linden  qui est photographe fashion se rend à Paris où il pleut depuis déjà 15 jours. Il vit à New York avec son compagnon Sacha. A la demande de sa mère il se rend dans la capitale afin d’y fêter avec ses parent et sa soeur Tilia, l’anniversaire de leur père Paul Malegarde, le sauveur des arbres mondialement connu,ainsi que l’anniversaire de mariage des parents.

 

Linden ayant quitté la maison familiale à l’âge de 16 ans pour vivre à Paris avec sa tante Candice, est heureux chaque fois qu’il revient aux bords de Seine. Mais comment va être leur père ? Ils ne se parlent plus depuis si longtemps. Il n’a jamais osé lui parler de son homosexualité.

 

Sa soeur Tilia est la rescapée d’un accident de voiture dans lequel toutes ses amies sont mortes. Elle ne s’en est jamais remise moralement. Son second mari est un alcoolique notoire. Comment Tilia acceptte cela ?

 

Aux infos, on ne parle que de la crue de la Seine qui apparemment va atteindre une ampleur catastrophique. Les berges se cachent sous l’eau petit à petit.

 

Linden accueille ses parents à leur arrivée à l’hôtel. Paul, le roc, semble si fragile aux yeux de de son fils.

 

Paul amoureux des arbres, qui passe sa vie à parcourir le monde pour les défendre. Linden et Tlia portent d’ailleurs le nom des arbres que Paul préfère : les tilleuls.

 

La réunion familiale va virer au cauchemar car Paul est victime d’un AVC.

 

Transporté à l’hopital, il sombre dans le coma. 

 

Imperturbable, la Seine continue à s’insinuer dans les rues de Paris. Des quartiers sont évacués. 

Lors de la grande crue du siècle Paris ne comptait que 1 million d’habitants. A présent dix : une véritable tragédie. Le fleuve n’en a cure : il poursuit son voyage envahissant les stations de métro, charriant les tout immondice. 

 

Et Paul est toujours dans le coma tandis que la Seine envahit le sous-sol de l’établissement hospitalier.

 

 

Je l’attendais depuis si longtemps  ce nouveau roman.  Et quel bonheur ! 

En le lisant, vous avez l’impression de sentir l’humidité entre les lignes, d’être submergée par les gouttes de pluie.  L’arc-en-ciel se dessine par instants quand les arbres prennent la vedette.  Tout vaScille entre pluie et soleil, ville et nature. 

Un roman très émouvant qui raconte sous fond de crue, la souffrance qui se cache derrière les secrets familiaux.  Le silence sur ce que l’on cache qui peut gâcher la vie familiale. Ne pas parler surtout.

 

Les tilleuls sont les détenteurs du secret.  Mais chuUUt, pour le moment ils font danser leurs feuilles. 

 

 

 

2 mars 2018

Petites chroniques d'une maison d'hôtes de Veronique Cambier

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Veronique Cambier parisienne jusqu’au bout des talons et quiche en cuisine de ce fait a franchi le pas en totale adhésion avec son mari et changer de vie. 

 

Tenir une maison d’hôtes, y louer des chambres : une véritable gageure. 

 

« Un jour enfin, nous sommes arrivés dans le village de Bilhères pour visiter une propriété et en repartant nous sommes tombés sur un panneau en bois marqué terrain à vendre.

Et là, coup de foudre ! Pour le village, son exposition bien ensoleillée, l’emplacement du terrain et la vue : fabuleuse et imprenable! »

 

Ils voulaient acheter une maison. Ils en firent construire une. Et les voilà partis pour une belle aventure en famille car Véronique et Hervé sont les parents d’un garçon et d’une fille.

Le chapitre où elle évoque la désinvolture de son fils au début m’a bien fait rire. 

 

 

Depuis douze ans, Veronique court dans tous les sens, nettoyage, repassage, pâtissière (j’en rêve de ses pâtisseries). Se lever avant ses clients pour préparer le petit déjeuner même si elle avoue qu’elle n’est pas du matin.  Une véritable fourmi  qui se doit d’être impeccable.

 

Douze ans après l’ouverture de la maison, elle nous raconte sans langue de bois ses déboires et ses bonheurs d’hôtesse. Je ne sais pas comment elle fait pour ne pas hurler sur certains clients. Je suppose que tous les autres compensent par leur gentillesse et leur amitié car oui certains sont devenus des amis.

 

Des chroniques à lire si vous avez le blues. Des chroniques à lire si vous désirez ouvrir une maison d’hôte car ce n’est pas vraiment de tout repos. Veronique vous explique avec un humour décapant, car je pense qu’il en faut parfois de l’humour face à certains grossiers personnages, dans quel monde vous allez plonger.

 

 

« Par jeu on n’avait d’ailleurs soulevé l’idée de ne plus faire maison d’^hotes QUE pour les gentils habitués, en mode club privé. »

 

 

Non je n’oublie pas qu’Hervé, le mari de Véronique, est un fin cuisinier et s’occupe de tout quand ils font table d’^hotes également.  Derrière la femme se cache toujours le mari. 

 

 

 

J’avoue qu’avec mes deux chiens, je ne loge jamais chez l’hôte car j’aime être comme chez moi en vacances et j’ai surtout horreur de déranger les autres . Cela ne m’a pas empêchée de rencontrer des propriétaires de locations de vacances super généreux.  

 

Véronique laisserait sous entendre qu’elle et son mari pensent  parfois à arrêter. Vous êtes certains ? 

 

Alors précipiter vous chez eux  http://www.arrajou.com dans ce village des Pyrénées. 

Vous pouvez également les suivre sur facebook. Je rêve quand j’y découvre ses photos de transhumance moutonnière. 

 

A oui j’oubliais, Véronique est une addict lectrice. Et je rajouterai une excellente chroniqueuse. 

 

 

 

 

 

1 mars 2018

Marcher à Kerguelen de François Garde

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« Les trésors de Kerguelen ne sont ni monétisantes ni exploitables. Cette île n’a jamais enrichi personne. Tout ce que la nature donne à profusion reste sur place. Un seul produit d’exportation, le rêve-le rêve décliné en souvenirs, en désirs, en timbres, en nostalgies, en images, en contemplations…De ce fret là, je me revendique négociant. »

 

 

La première fois que j’ai découvert le nom de Kerguelen ce fut à travers le livre de Jean-Paul Kauffmann « l’archipel de Kerguelen ». Une terre sauvage au bout du monde de quoi me plaire.

 

 

Cette île porte le nom du navigateur qui  la découvrit. Une terre aride où les vents ne cessent de souffler, une terre qui ne désire accueillir aucun humain. Au fil des siècles l’homme a tente de la conquérir, peine perdue. Paradis des manchots, des éléphants de mer, des oiseaux tels les pétrels, les rennes y sont un produit importé humainement ainsi que d’autres formes de vie.

Très peu de flore : du lichen semblable à l’île, des plantes singulières et des pissenlits. Même les couleurs sont différentes comme ternies. 

 

« L’intérieur reste superbement inutile . Seuls les mammifères introduits transgressent malgré eux cette loi d’airain. Pour eux seuls, Kerguelen est une prison. L’illégitimité de leur présence leur colle à la peau-tout autant que pour nous »

 

 

François Garde fut un temps administrateur de ces terres. Il s’y rend plusieurs fois puis déchu, il niche sa tristesse dans la découverte d’autres endroits  jusqu’au jour où il décide d’y retourner pour un voyage de 25 jours. Traverser l’île comme pour redécouvrir une amante délaissée.

 

Pour ce voyage, il est accompagné de trois compagnons, deux photographes et un médecin qui eux aussi connaissent bien cet endroit. 

 

Quelle est la motivation de François Garde : écrire ? Lui qui a endossé le Fagnard de cette profession grâce à ses romans. En fait il ne connait aucun sens à sa motivation et il ne demandera  pas à ses compagnons quelle est la leur. A chacun son monde intérieur. 

 

Les voilà partis du 23 novembre au 17 décembre 2015. Un hélicoptère les dépose. Il n’y a plus de recul possible. La peur et la joie se mêlent. Il faut faire le premier pas. 

« Je m’assieds par terre un moment. Je ne bouge plus. Après toutes ces journées dans les montagnes désertes, je savoure cette éruption de vie, cette faune qui ne connait pas l’homme et ne le craint pas. Adultes, juvéniles, tous sont occupés par leur projet, la continuation du cycle, et m’oublient. Des papous retournent à  la colonie, affairés. De jeunes manchots royaux errent çà et là, tels des adolescents un peu rebelles mais un peu perdus. Des poussins se dandinent en marchant sur la carcasse d’un parent. Un éléphant de mer dort dans la rivière. Un pétrel géant tourne au-dessus et cherche une proie. Ils ne sont dans aucun temps. Moi seul connais les horloges et les calendriers. Ils sont l’éternité et je la contemple par effraction ».

 

 

Bardés de leurs sacs pesant 25 kilos, les quatre hommes vont arpenter cette terre où les lacs disparaissent et réapparaissent, où le vent souffle à tout moment, où la pluie peut « tomber à l’horizontale ». Leurs nuits de bivouac, ils vont les passer dans une tente de trois bien qu’ils soient au nombre de quatre. L’humidité est omniprésente. Ils n’ont qu’un choix marcher pour atteindre chaque maison qui leur permettra de se reposer et découvrir des vivres en suffisance afin de repartir. Ces maisons sont en fait le lieu où des scientifiques cohabitent durant leurs missions. Maisons en métal avec le minimum vital mais dans cette terre tout semble plus luxueux dès lors qu’on est l’abri de cette froidure. A côté de chaque maison, des bacs qui contiennent toutes sortes de conserves pour les futurs arrivants.

 

« Je ne sais toujours pas si ces paysages sont beaux, je ne suis plus trop sûr de ce que la beauté signifie. Les philosophes en débattent depuis l’Antiquité. Comment percevoir une beauté qui ne serait jamais regardée, ou si peu et si furtivement ? Une beauté qui serait sans aucun lien avec l’homme ? Ici je ne vois pas la beauté mais la force. »

 

 

Il n’y a pas d’alternative dans ce voyage. Chacun doit être solidaire de l’autre perdus dans cette nature valonnée, sauvage où l’on traverse  les rivières à mi cuisse, où les pieds s’enfoncent dans la souille. 

 

Le monde s’est arrêté. Pas de nouvelles de l’autre monde dit civilisé. Les pensées volent vers les attentats perpétrés avant leur départ. Le nouveau roman qui passe par le comité de lecture.  Pas le temps de s’apitoyer sous le ciel qui parfois montre un coin de ciel bleu.  

 

« Partout ailleurs, aux pays où vivent les hommes, au commencement était le Verbe ». Ici, au sud du jardin d’Eden, au commencement était le Vent »

 

 

 

Kerguelen ne s’apprivoise pas , elle n’a  aucunement besoin de l’homme. Elle est la nature et se suffit à elle même. Pourtant François Garde aura difficile à la quitter. Elle ne sera plus qu’un souvenir. Des mots, des phrases pour expliquer aux autres. Même son journal ne retranscrira que des impressions déjà  perdues dans le passé. 

 

 

François Garde va découvrir un seul livre sur cette île. Perdu dans un des refuges, un roman de Le Clezio, le cadeau d’une mère à son fils. Cadeau resté là bas sur ces terres. 

 

 

Et cette émotion quand il s’imagine qu’il n’y a plus de bébés manchots.

 

« J’avance, j’avance dans ce paysage immobile et je m’ennuie, pour la première fois depuis le départ. Je m’ennuie dans cet espace sans enjeu. Je m’ennuie dans la plaine Ampère ? Tout d’un coup, à cette assertion saugrenue, j’éclate de rire »

 

 

 

« Un cairn sur une terrasse confirme que des hommes sont passés par là avant nous. Ce très modeste monument d’abord me réjouit, en me reliant aux précédents marcheurs; il m’amuse par son inutilité, tant le trajet est évident; il m’inquiète aussi, par tout ce dont il symbolise les prémices : les marques de peinture des deux couleurs vives sur les rochers; les poteaux indicateurs; les sentiers aménagés à la pelle et à la pioche; les groupes randonnant en sens inverses; les refuges gardés; les buvettes et les offices du tourisme. »

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Les couleurs de la vie
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