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Les couleurs de la vie
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24 juin 2019

Les mémoires d'un arbre de Carole Zalberg

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Comme lectrice, je suis indéniablement amoureuse de l’écriture de Carole Zalberg. 

 

Mais son premier roman en était-il déjà le reflet ? Dès les premiers mots, j’ai été bluffée par cette écriture qui était déjà si belle. Comme l’arbre, elle a changé bien évidement au cours des années, ses bourgeons se sont développés mais quelle maturité déjà.

 

Ce roman a été édité il y a 17 ans. Carole Zalberg pensait déjà à l’arbre comme un être vivant, ce qui est devenu évident de nos jours. Son futur de l’humanité est tellement visionnaire. Je suis admirative.

 

A travers les mémoires d’un arbre, on découvre outre la vie de cet arbre, le regard qu’il porte sur ce qui l’entoure mais surtout des humains qui viennent s’abriter contre lui avec leurs joies, leurs peines, leur désir.

 

Agé de vingt siècles, il a assisté tout petit à la cupidité des hommes, à ce désir d’avoir toujours plus et la destruction que cela implique,. Il a affronté la colère, il a été  le témoin de jeux d’amour entre deux poètes, il a laissé tomber l’un de ces fruits pour qu’un savant comprenne. Certains on gravé des mots dans son écorce, d’autre y ont sculpté un corps. Il est là toujours droit. Des musiciens se sont installés sous son ombrage. 

 

En tant qu’arbre, sa vie n’a pas été facile. Il fut l’un des rares rescapés d’une tempête. Il a vu le béton, les villes grandir. Il a frissonné en écoutant la musique Il s’est retrouvé tout seul sur une place. 

 

Il a entendu raconter ces trains qui arrivaient nulle part avec les humains à bord. Il a vu l’humanité se détruire.

 

Au fil des siècles, bien sur qu’il a vieilli, Il ne produit plus de fruits, ou si peu. Ses branches ressemblent à des bras décharnés mais il tient bon. Il sait que l’homme se relèvera toujours. 

 

« Malgré tout je tenais encore droit. Mes racines continuaient à fouiller le sol aussi profondément pour y puiser les sucs nécessaires à ma substance. Elles étaient aussi l’ancre  enfoncée loin dans la terre pour m’y arrimer solidement »

 

J’ai lu ce roman sous les arbres. Je l’ai terminé dans le train et j’ai regardé les arbres derrières les vitres. Souvent je me demande ce que le chêne en face de ma maison a bien pu voir en tant d’années. Donc je ne pouvais qu’aimer ce livre. 

 

Bref un coup de coeur. Entre ce roman et "où vivre", le chemin de l’écriture a changé bien évidement mais les pousses étaient déjà si belles. 

 

 

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24 juin 2019

Heartland de Sarah Smarsh

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Le Kansas, ses plaines, ses hivers très rudes, ses étés étouffants ainsi que ses tornades.

Ils sont venus d’Allemagne et de Suéde les ancetres, qui ont acheté pour un prix dérisoire une terre rude. Certains ont abandonné mais pas la famille paternelle de Sarah Smarsh. Elle est la cinquième génération de ces familles qu’on nomme les pauvres. Ces pauvres qui cultivent ce qui permet au reste du pays de manger et qui furent longtemps ignorées. Il n’y pas de place pour les pauvres aux USA.

 

 

A travers ce récit, Jerry Smarsh nous raconte ces quatre générations de mères célibataire dont elle est la lignée. Elle fait partie de cette cinquième génération mais elle n’est pas devenue mère. Par choix,  Alors elle raconte à celle qui aurait pu naitre tout sa famille et ce qu’elle ne voulait pas qu’elle connaisse. Fille mère aurait été la continuité de sa grand-mère, de sa mère. Elle désirait une autre vie. 

 

Parce que dans l’idéologie américaine, chacun peut réussir, ces pauvres sont méprisés, traités de paresseux. Alors c’est la débrouille entre l’alcool, les anti dépresseurs, la cigarette, Et les femmes sont les plus courageuses, frappées par les hommes, abandonnées ou prenant la poudre d’escampette, elles ont un courage inébranlable.

 

La mère de Sarah Smarsh n’a que 16 ans lorsqueelle donne naissance à son bébé. Elle s’est mariée à un jeune qu’elle n’aime pas plus que cela mais c’est lui le père. Donner de l’amour à sa fille qu’elle ne désirait pas, c’est comme une limite. Son mari va construire leur maison de ses propres mains non loin de la ferme familiale. Et pour faire bouillir la marmite, elle va suivre des cours pour travailler dans l’immobilier tout comme sa grand-mère avait suivi une formation pour travailler au palais de justice. Toujours tenter d’avoir mieux tout en sachant que de toute façon leur condition est d’être pauvre et qu’il est hors de question de monter plus haut dans l’échelle sociale. Leur place est là et elles s’y maintiennent. Ainsi en a décidé le reste des USA. 

 

Sarah n’a qu’un désir :échapper à tout cela. Mais pour en échapper, il faut subir les paroles et les regards du reste de la famille qui se demande qu’elle est cette lubie ? Son grand-père paternel lui va y croire, en silence mais il va y croire. 

 

Alors elle raconte à August en imagination, cellle qui aurait pu être  sa fille , et qui ne sera pas , ce que c’est que d’être méprisée comme enfant pauvre dans une école, ce que c’est que lorsqu’on constate qu’elle est intelligente, on la rabaisse. 

 

Mais grâce à certaines mains tendues et la filière scolaire et universitaire pour les pauvres, toujours les pauvres, elle y arrivera. Elle ballotera entre la vie avec sa mère et surtout sa grand-mère car la ferme est son ancrage. Malgré cette vie chaotique, Sarah Marsh est devenue journaliste. 

 

 

« Comme moi, ils avaient été obligés, au cours de leur vie, d’habiter un temps dans des endroits que les gens associent à la pauvreté : caravanes à la carlingue cabossée au-dessus des roues, appartement insalubres aux cages d’escalier sans lumières, maisons aux peintures et aux papiers peints surrannées, équipées d’appareils électriques cassés. Il leur arrivait cependant de faire une maison décente, voire belle, à partir d’un bien acheté ou loué pas cher, abandonné par des gens moins ambitieux et moins bricoleurs. Ils m’ont enseigné tout ce qu’ils savaient, ne serait-ce parce que je donnais un coup de main gratis; »

 

« Ces femmes connaissaient le sens d’une vie de lutte au bord de grandes routes et, en tant que descendante immédiate, je sentais leur destins’imposer à  moi. Ces femmes que j’aimais, qui représentaient autrefois pour moi la puissance incarnée, m’apparaissaient désormais comme des petites filles blessées et le foyer que nous avions partagé, une chose était certaine : je fichais le camp. »

 

 

Un récit qui m’a bouleversée. Cette pensée aux USA que si vous êtes pauvres vous êtes fautif de votre pauvreté, est terrible. La honte des pauvres qui ont une aide sociale qui n’est pas celle de l’Europe, mais elle existe quand même, car ils s’imaginent qu’ils n’y ont pas vraiment droit. Ce mépris de la pauvreté qui vous laisse dans une case d’on vous ne pouvez échapper car malgré vos efforts tout est fait pour que vous restiez dans cette case établie depuis des lustres.

 

Heureusement certains et certaines arrivent à se déplacer de case par leur volonté et surtout grâce à des autres humains qui croient en eux. 

 

Un coup de coeur… pour toutes ces femmes.

27 mars 2019

Doggerland de Elisabeth Filhol

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Doggerland, un nom donné par les geologues à ce morceau de continent qui reliait l’Angleterre à l’Europe il y a plus de 8000 ans et qui disparu suite à un tsunami.

 

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"Le Doggerland est une enclave mésolithique dans l'époque moderne, qu'on est quelque'uns à faire revivre, et c'est bien notre époque qui nous en donne les moyens. Notre travail ne fait que prévenir la disparition de l'information, par des relevès, des prélèvements, la collecte de certains matériels. C'est la même chose à terre. Tu construis un parking, tu perces une autoroute, un canal de grand gabarit, les travaux sont suspendus ou ralentis, le temps des études, mais  c'est une course contre la montre. Puisqu'à terme tout ou presque sera détruit."

 

 

Margaret l’étudie tant et plus. Stephen son mari lui est créateur d’un parc éolien. 

Ils vivent tous deux à Aberdeen, enfin non loin. Parent d’un fils de 20 ans David.

 

La vie coule paisible et pourtant la tempête prend son envol. Naturelle autant qu’émotionnelle.

 

Xaver enfle sur la mer du nord. Le frère de Margaret l’observe lui le météorologue. Que va t-elle détruire ?

 

Stephen et Margaret doivent se rendre à Esbjerg pour des conférences colloques entre collègues. 

 

Margaret est abasourdie d’apprendre que cet homme qu’elle a aimé Marc, le français, y sera. 

 

Marc qui suivait les mêmes études, à St Andrews,  que Ted, Stephen et elle-même, a décidé qu’il ne resterait pas. Qu’il partait au Gabon travailler pour une firme pétrolière. Marc qu’elle aimait si fort, a disparu de sa vie il y a 22 ans.

 

La tempête fait rage tandis qu’ils se rendent à ce rendez-vous. 

 

 

 

« Aujourd’hui elle est dans la gratuité et lui dans l’argent sali, noirci des milliards de tonnes d’hydrocarbures partis en fumée, elle dans le désintéressement de l’oeuvre universitaire et l’engagement pour les générations futures à consolider le lien au passé, quand l’avenir qu’il contribue à leur construire n’en tient pas compte ».

 

 

Doggerland, je n’en avais jamais entendu parler. Et pourtant ce territoire git toujours au fond de la mer du nord.  Des troncs d’arbres en témoignent. Les humains vivaient également sur ce territoire englouti.  

 

 

C’est un véritable coup de coeur. De ce roman, j’aime l’écriture, l’histoire, les personnages. Je sais déjà qu’il fera partie des livres que je relirai donc il a sa place dans mes trésors.

 

En ce temps incertain que nous vivons face au climat, c’est un hymne à la terre, à la mer du nord,  à la nature, à la non désespérance, une dénonciation des causes de cette catastrophe qui s’annonce. Mais surtout, une description du passé de la planète bleue qui nous démontre bien qu’elle n’est pas inerte mais que dans les profondeurs elle craque, se fissure, se remodèle, se régénère, et que l’homme à tendance à l’oublier. 

 

Le dernier chapitre est …je n’en dis pas plus.

 

 

 

 

11 mars 2019

Mon temps libre de Samy Langeraert

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Commencer la semaine sans vous parler de ce magnifique premier roman, je ne saurais pas.

 

 

« Voilà deux semaines, que j’habite cet endroit et je pourrais aussi bien n’y avoir jamais mis les pieds. Tout est si calme, si renfermé que j’ai parfois la sensation de m’être installé dans le plus grand secret, à l’insu du propriétaire, de mes voisins et de l’appartement lui même, auquel je prête des yeux et des oreilles »

 

 

On sait peu de choses de cet homme qui raconte une année à Berlin. On sait qu’il y a déjà passé un hiver où il photographiait des silhouettes fantômes. Il y revient, ayant quitté Paris. Il y revient après une rupture amoureuse. Lui-même ne sait pas pourquoi. D’ailleurs il ne sait plus qui il est.

 

De cette femme dont il était amoureux, il n’en écrit que la lettre M. Il donne des cours de français le matin et traduit tout ce qu’on lui demande. 

 

Il regarde passer le temps. Il fait pousser des plantes sur son balcon. Il discute, parfois, avec sa voisine de balcon, une dame âgée.

Il n’attend rien. Il observe Berlin. 

Les jours où il se souvient de M, il ne recroqueville sur son lit.

Il continue à regarder. Il tente de réexister. 

 

Berlin loin des clichés touristiques.  Il raconte les renards, les enfants, les fêtes sur le toit, sa voisine, les arbres, la forêt.  Il prend le temps jusqu’à son son retour vers Paris. 

 

 

Et nous nous prenons le temps d’absorber tant de beauté d’écriture dans ce premier roman. Un coup de coeur. Un coup au coeur.

21 février 2019

L'île où rêvent les nuages de Jean-Michel Bénier

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«  Je dis à la jeune femme qu’elle est la première personne que je vois lire depuis mon départ? C’est long à expliquer le Jura, l’est de la France, la frontière Suisse, Genève, Lausanne, les montagnes enneigées, les capitales Strasbourg, Paris, Bruxelles, Edinburgh. Les Hebrides en hiver, les voyage responsable. Je m’exprime sans élégance, je baragouine, je suis ému. Elle ne comprend pas tout. Elle s’étonne. Je me permets de lui demander le titre de son livre. Elle me montre la couverture. 

Elle lit 1984 de Georges Orwell »

 

 

Partir du Jura de son enfance jusqu’à l’île de Jura où Georges Orwell se réfugiait.

Redécouvrir les montagnes que l’on a parcourues du temps de sa jeunesse pour se diriger vers un lieu hérissé de vagues.

 

Carnet de notes, jamais seul car les écrivains le suivent par delà les mots. Flaubert, Tesson, Orwell…ils sont là et décrivent également. 

 

Partir mais pas en avion, partir en train, en ferry, en car, en bateau. Partir et déjà imaginer le prochain roman.

 

Retrouver cette femme navigatrice qui fera partie du roman tout en se demandant si elle est réalité ou inventivité.

 

Partir sur les traces d’Orwell, sur cette ile où les nuages revent, où les cerfs abondent. 

 

Observer les humains qui vous entoure, constater que peu de livres sont blottis dans les mains mais que les doigts ne cessent de tapoter des mots qui n’ont pas de sens. 

 

Partir pour se fondre dans la nature.

 

 

Comment définir  ce magnifique livre ? Il oscille entre le cynisme lors des descriptions de cette société où nous vivons et la poésie offerte par l’horizon. 

Il est rempli de mots d’autres auteurs et de photos si belles.

Un beau voyage qui donne envie de manger les nuages et de relire Orwell.

 

 

« Deja, je comprends, ce ne sont pas les nuages qui fuient, c’est l’île elle-même qui cherche à l’horizon un port où accoster. »

 

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8 février 2019

Kiosque de Jean Rouaud

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Cher Monsieur Jean Rouaud,

 

 

Je vous dois des excuses oh de grandes excuses car je vous ai abandonné très vite sur le chemin des lectures.

En 1990, je tenais votre roman qui avait obtenu le prix Goncourt dans les mains, j’en vois encore la couverture blanche. J’ai mis du temps à l’ouvrir, j’en ai lu le début et puis abandonné. Où est-il ce roman à présent, surement perdu dans mes déménagements. 

1990-2018 et nos chemins se croisent à nouveau. Aurais-je honte de dire que j’ai pleuré en refermant votre nouvelle parution Kiosque. Peu m’importe que l’on me trouve stupide, votre sensibilité, votre humanité, votre manière de regarder les autres m’a tout simplement émue. 

 

Qu’auriez vous penser ou écrit sur la jeune femme que j’étais et qui aurait pu vous acheter un journal au kiosque que vous teniez tout en rêvant d’être écrivain. 

Qu’auriez vous écrit dans votre petit carnet de haïkus ? Jeune femme banale, cheveux courts, balade sa timidité. Mais qui sait, aurais-je osé vous raconter une partie de cette vie que j’ai vécue et que vous n’auriez imaginé et que personne d’ailleurs n’imagine. 

 

Dans le kiosque entre 1983 et 1990, vous avez vendu des journaux en attendant qu’on reconnaisse enfin votre talent. Vous avez croisé des vies de toutes sortes, pochardes, honiriques, artistiques, juives, truculentes, tristes, et vous les avez aimé ces vies. Sans oublier vos comparses P et M qui étaient tout un roman à eux seuls. 

 

Comment imaginer que c’est une photo passée qui a changé le cours des choses ? Une simple photo. Un fil qui se lie et tout devient possible. Oui vous êtes devenu écrivain. 

 

Entre vos pages, vous déchirez l’emballage de votre vie, vous décortiquez les raisons de votre envie d’écrire. A trente six ans vous n’avez aucun futur puisque sans travail vraiment tangible, la société vous considère comme un paumé. Paumé à travers le regard de la société oui mais tellement sensible à tout vie que vous apercevez. 

 

 

A travers ces quelques mots, je voulais vous remercier car c’est le roman d’une jeune femme qui a décidé que mon futur je le voyais tout autrement et la lecture de Kiosque m’a confortée dans ce choix. Une femme, un homme, un bon équilibre.

 

Merci Monsieur Jean Rouaud.

 

« Car la question qu’on pouvait poser aux maitres du temps qui jamais ne s’étaient confrontés au récit étaie cell-ci : comment pouvait-on ignorer le monde à ce point ? Par quel aveuglement narcissique en était-on parvenu à le réduire à un bruit de fond, à une composition de phonèmes. Or je le voyais arriver de partout, le monde, qui par vagues, et certaines lointaines, battait contre notre kiosque du 101 rue de Flandre. Un monde grouillant, multiple, souffrant, vaillant, avec ses cortèges d’histoires à n’en plus finir , et le plus souvent à pleurer <…> »

 

 

7 février 2019

Les soleils des indépendances de Ahmadou Kourouma

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Si l’ombre d’un mort vous frôle, si vous assistez au sacrifice d’une poule, si vous entendez le mot griot, si vous apercevez des mendiants, si vous voyez ce soleil des indépendances, vous franchissez la frontière du pays décolonisé. 

 

Vous aurez peut être la chance d’apercevoir Fama, descendant royal des Malinke mais  de royal n’en est plus. 

 

Vous achèterez le riz sur le marché préparé par Salimata, femme de Fama. Salimata vous racontera peut être ce jour où elle fut excisée. Elle ne fit pas partie de filles revenant en chantant au village. Elle fut abandonnée dans une case où elle fut violée par un génie qui sait ?

Elle fut mariée deux fois mais le génie et le souvenir rouge sang de l’excision ne voulurent pas de ces hommes. Alors elle s’enfuit, loin très loin et croisa le chemin d’un guerrier Malinke : Fama.

 

 

Fama et Salima portent une grande douleur : aucun enfant. Il parait que c’est Salima qui est stérile. Il parait… Alors avant l’acte, elle danse, elle brûle, elle hurle et Fama n’a plus envie tandis que Salima se désespère. Pourtant elle prie quatre fois par jours, elle salue Allah.

 

Fama lui aussi monte à la pointe du minaret mais ne pas avoir d’enfant le mine également. Il respecte les traditions, il respecte la parole d’Allah. Il assiste aux cérémonies des morts mais rien n’y fait.

 

D’autant que dans ce pays décolonisé, on doit obéir au seul parti le socialisme, obéir à un seul chef unique, obéir obéir. Et lui l’ancien prince parfois rêve aux jours où les colonisateurs étaient là. Parfois… Le pays décolonisé s’appelle famine, chômage, pauvreté. Pourtant selon le soleil des indépendances, la vie allait être belle.  

 

Fama se rend dans son village pour une veillée funéraire. Il n’oublie pas que là bas vit la belle Mariam. Bon le village ne ressemble plus à celui qu’il a connu mais Mariam est toujours là. 

 

Il décide de la ramener en ville avec l’espoir d’un enfant. Bien vite les deux femmes qui doivent cohabiter s’écharpent comme de bien entendu. Salimata ayant peur que Mariam aie le ventre qui grossisse. 

 

Fama n’en peut plus. Il est arrêté soi disant parce qu’il a comploté contre le pouvoir. Des anciennes fadaises mais qui lui reviennent comme un boomerang. Condamné à vingt ansde réclusion. Il pense devenir fou mais libéré par la grâce présidentielle , il décide qu’il ira finir ses jours dans son village, sur la terre des ancêtres. 

 

Il part vers son destin. 

 

« Au large, les pétarades du moteur parurent faiblir et même mourir, ramollies par la pénombre et le frais de la lagune. La ville nègre s’éloignait, se rapetissait, se fondait dans le noir des feuillages de la ville blanche, lointaine encore, indistincte, mais éclatante dans les lumières des lampes. Seuls tranchaient le gris de la lagune et bariolé du ciel. »

 

 

Grand coup de coeur pour cette découverte de l’Afrique grâce aux mot d’Amadou Kourouma. 

Une écriture rapide, de l’humour, de la poésie et le soleil qui brûle à travers chaque page. 

Bien décidée à lire d’autres romans de cet écrivain.

15 octobre 2018

Où vivre de Carole Zalberg

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Où vivre. Juste un endroit où vivre. 

 

« Nous arrivons de pays épuisés où  notre jeunesse devait chaque jour, s’attacher aux ruines. Les fantômes nous accompagnaient partout, s’agrippaient à nos chevilles, pesaient sur nos épaules , ne nous laissaient même pas rêver. Sans parler des vivants morts, partout autour de nous, vivants, mais morts là bas ne sachant ni revivre vraiment, ni cesser, se taisant, ou parlant trop et seulement de ça, de ce là-bas, où une part d’eux-mêmes continuaient d’être terrifiée, avait peur et froid et mal, à jamais. »

 

Lena la grand soeur est partie la première, remplie d’espoir et de courage. Elle est partie avec d’autres jeunes pour fonder un Kibboutz car le futur est là-bas. Vivre différemment, fonder une nation, voir fleurir les fleurs dans le désert. Sa petite soeur Ana la suivra. 

 

Chacune sa vie. Lena va épouser Joachim, qui travaille du matin au soir, arrachant au sol des fruits. Adorant sa femme mais terrible dans ses colères car les fantômes même là bas viennent vous habiter. Un couple aimant qui aura trois fils, élevés au milieu des autres enfants; de la jeunesse et des rires. 

 

Ana, désirait rejoindre sa soeur mais ses études d’infirmière, l’homme qu’elle rencontre. Où vivre ? En France.  Et puis il y a Nathalie et Marie. Ils iront avec les petites les voir en vacances.  Leurs parents sont bien partis vivre à Tel Aviv.  Lena aimerait tellement rassembler les siens autour d’elle mais elle comprend le choix de sa petite soeur et même l’incite à rester en France. 

 

 

« Mais nous irons les voir, ma soeur adorée, son époux aux traits de prophète et leurs fils magnifiques, dès que nous en aurons les moyens. Nous irons les voir et une petite voix en moi me souhaite de ne pas, alors être envahie de regrets »

 

Les trois fils de Joachim et Lena sont pétris de contradiction dans ce pays continuellement en guerre. Et ce service militaire qu’ils doivent accomplir, le plus jeune Noam, en souffre trop. 

 

Alors où vivre ? En Amérique ? En Israel ?  Les circonstances de la vie en décident.  Oublier les fantômes qui hantent la génération d’avant.  Essayer de comprendre la complexité de leur Etat.

 

Marie et Lena, rencontrent trop peu souvent leurs cousins, juste quand ils se rendent là bas où Marie petite s’ennuie un peu. Elle s’y rendra toute seule en été, l’été de ses 18 ans.  

 

Joachim décédé en 1986 suite à l’absorption de tous les produits chimiques qui arrosaient les plantations. Lena reste  au kibboutz.  

 

L’assassinat de Rabin sera un choc terrible pour Lena et ses fils. Ana en pleurera pour sa soeur. Marie choquée mais trop prise dans sa vie de jeune maman. 

 

Lena pensant qu’en fait, l’endroit où vivre aurait été vain. Tous ses efforts pour en arriver là. Pourtant sa vie elle ne la verrait pas autrement. Heureusement Joachim n’est plus là. Il aurait été désespéré. 

 

Trente ans plus tard, Marie retrouvera les siens pour comprendre, retrouver les liens entre cousins, tenter de saisir cette terre où les descendants d’exilés polonais ont fixé leur horizon. 

 

Bien entendu Marie qui raconte, c’est la voix de Carole Zalberg. 

 

Dans ce splendide roman familial mêlant la parole de chacun, et chacune on décèle que le poids de la Shoah s’efface  mais qu’elle  ne peut jamais être oublié même par la jeune génération.

On décèle toutes les contradictions qui s’imbriquent dans l’Etat d’Israêl.  Les dirigeants actuels n’ont plus les mêmes idéaux que Joachim et Lena.  

 

 En lisant Charlotte Delbo ce matin, je pensais à Où vivre qui m’avait entrainé vers la lecture de Charlotte. Il y a tant d’amour dans l’écriture de ces deux femmes. Difficile à expliquer car le sujet n’est pas le même, l’écriture est totalement différente  et pourtant certaines phrases se rejoignent et se collent.

 

 

Un magnifique roman écrit par une femme lumineuse du nom de Carole Zalberg.

 

J'espère que j'ai trouvé les mots pour que l'envie vous vienne à le lire ce roman. J'aimerais tellement. 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

12 octobre 2018

Roissy de Tiffany Tavernier

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« Quand transie de froid, je pousse la porte des aérogares, le hurlement de leurs réacteurs résonne encore en moi. Et comme je l’aime, ce boucan. Il me lave »

 

Elle vit à Roissy depuis des mois. Elle ne sait pas qui elle est, ni d’où elle vient. Elle sent en elle qu’il s’est passé un drame dans sa vie mais cela revient par bribes.

 

Alors elle marche, marche et marche encore au milieu des voyageurs. Elle invente qu’elle part en voyage. Elle s'invente des destinations. Elle a bien remarqué cet homme qui attendait le vol venant de Rio et qui restait seul après le passage de tous ceux qui reviennent.

 

Elle vole des vetements, des valises, de la nourriture. Il faut qu’elle change d’aspect pour que les vigiles ne la repère pas. 

 

Elle ne veut pas ressembler aux SDF qui puent et qui lui font un peu peur. Vlad, Liam qui lui fait lire son journal délire, Josias qui est amoureux d’elle et tant d’autres. Ceux qui se cachent dans les sous-sols. Elles les aime et les craint en même temps.

 

Elle fait partie de ceux qui n’ont plus rien et cela l'arrange. 

 

Mais celui attendait le vol de Rio la retrouve et lui déclare qu’il l’a cherchait. Elle fuit d’abord. Il la retrouve ànouveau et s’imagine qu’elle aussi a perdu un être aimé dans la catastrophe aérienne de ce vol. Lui, il y a perdu sa femme et il attend, il espère voir sa silhouette portant ce manteau bleu. Elle lui ment puisque de toute façon elle n'est plus rien dans sa mémoire.

 

Et tout va changer.

 

« Pour eux, comme pour moi, ce monde est notre dernière chance. Le quitter ne serait-ce qu’une seule fois, ce serait renoncer à tous les voyages, à toutes les identités, perdre, en somme, le peu de matière qu’il nous reste, rompre définitivement le fil qui nous tient encore en vie, briser la magie par laquelle chacun de nous ici s’invente hors de la violence du monde. »

 

 

Ne passez pas à côté de ce roman. Il va vous happer et vous en sortirai un peu déséquilibrée. 

 

11 octobre 2018

Nirliit de Juliane Léveille-Trudel

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« Ils ont quitté  leur réserve ou leur village, ils ont abouti n’importe comment sur le ciment de Montréal, Winnipeg ou Vancouver, ils confortent les gens occupés dans la vision qu’ils ont d’eux : des ivrognes, des paresseux, des irresponsables. »

 

Elle se demande si elle y retournera et elle y retourne comme chaque été,  comme une oie qui migre du sud au nord. Elle retourne à Salluit. Elle y retourne pour les enfants et pour tenter de raconter à Eva. Son amie disparue, assassinée, peut-être violée qui git certainement dans un Fjord.

 

Elle lui parle à Eva. Elle lui raconte ces enfants qui sur un an de temps, sont transformés en ivrognes ou drogués. Elle lui raconte leur violence et leurs rires. Elle raconte leur désarroi et leur joie. Elle constate que le futur que l’homme blanc leur a imposé ne leur convient pas à ce peuple du froid : les Inuits.

 

Elle parle à Eva de son fils Elijah qui aime la jolie Maata, qui aime elle ce blanc. 

 

Oui les blancs qui viennent construire des maisons. Entre eux et les filles c’est comme un une jeu. Elles sont si jeunes, parfois 12 ans et pourtant ils se servent. A portée de mains et puis elles n’attendent que cela.  Des Inuits femelles qui n’ont aucune valeur. Elles se font payés. Alors, quand elles ne veulent pas, le blanc les viole.  Amour ou haine, bien souvent, le ventre de la jeune fille s’arrondit d’un enfant que le blanc ne veut pas. Il a une autre famille dans le sud. Il ne va pas s’encombrer d’une sauvage aux yeux un peu bridés. 

 

Il ne comprend pas le blanc, qu’elle, elle veut seulement partir, échapper aux coups, à l’alcool, à la drogue. Elle rêve d’un sud si doux que le blanc ne lui offrira jamais.

 

« Et vous mourez. Vous n’en finissez plus de mourir, il y a tous ces accidents stupides qu’on pourrait éviter, il y  a la toundra impitoyable qui ne vous laisse aucune chance, il y a les maladies que nous n’avons plus, comme la tuberculose, mais qui vous attaquent encore parce que vous vivez dans des conditions sanitaires dignes de 1850, il y a tout ça mais en plus vous vous tuez vous-mêmes, crisse. »

 

« Ils sont tous là à me féliciter pour me dévouer envers les enfants du Nord, mais ils oublient que je reçois beaucoup en retour, ils oublient que je meurs si je reste immobile, ils oublient qu’une voix en-dedans me crie toujours d’aller voir ailleurs si j’y suis. « 

 

 

Premier roman de Juliana Léveillé-Trudel. Un petit bijou d’humanité. Apre et tendre à la fois. Inoubliable. 

 

A travers la vie d’Eva et de son fils, la narratrice nous parle de ce peuple d’Inuits parqués dans des maisons dont ils ne veulent pas, désoeuvrés car c’est là qu’on a décidé de les parquer un jour. Vivant des aides sociales, on vous dira qu’ils sont paresseux. Moi je dirais déracinés par l’orgueil des blancs qui s’imaginent que eux ils ont tout compris et que leur vie est la meilleure. 

 

Certains s’en sortent, oui mais une infime minorité malheureusement. 

 

La civilisation blanche ne sait qu’en faire alors on les paie. On les a sédentariser de force. Pas le choix, faites de la place aux gens dit civilisés.

 

Un roman qui renferme tous les sourires d’enfants et leurs rêves cabossés.  Un roman qui déplie toute la beauté des paysages, le parfum de la nature, l’ondulation du vent. 

 

Et telle une oie Nirliit on en retrouvera le chemin

 

Voir l'avis d'Aifelle,d'Anne 

 

Enfants_nord



 

 

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Les couleurs de la vie
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